mon expérience à monter le djebel toubkal au maroc

Quand nous avons commencé à prévoir notre voyage au Maroc, mon amie m'a dit : "Ça prend plus de nature et une randonnée dans cet itinéraire". Heureusement, la plus haute montagne de l'Afrique du Nord se trouve justement au Maroc. Puisque certaines expéditions combinaient l'ascension du Toubkal et un séjour dans le Sahara, nous avons sauté sur l'occasion de visiter les deux sans avoir aucune idée dans quoi on s'embarquait. Comme John Green l'a écrit dans Paper Towns : "Si on ne meurs pas, ça fera toute qu'une histoire". Et bien, voici l'histoire!

Pour commencer, laissez-moi vous en dire plus sur l'excursion que nous avions réservé. L'itinéraire comprenait 5 jours et 4 nuits, à partir et au retour de Marrakesh, avec un groupe de deux à douze personnes. Puisque nous étions déjà deux, le tour se trouvait donc à être automatiquement confirmé malgré qu'octobre soit la basse saison pour le Maroc. Nous allions passer deux jours sur le Toubkal, deux jours dans les gorges en chemin vers le Sahara, une nuit dans les dunes de Merzouga, puis une journée sur la route du retour vers Marrakesh. Nous avions vu des tours qui passaient plus de temps sur le Toubkal, mais notre voyage étant limité dans le temps, nous avons choisi une randonnée plus courte, qui nous emmenait tout de même au sommet. Au final, nous étions les deux seules du groupe donc, bien qu'il y avait plusieurs autres personnes sur la montagne, nous avions un guide et un chef/personne en charge de l'âne, pour nous toutes seules.

​Le jour de notre départ, je ne suis réveillée pour m'apercevoir que mon amie avait une infection à l'oeil. Son oeil ouvrait à peine était d'un rouge écarlate... Pas la meilleure façon de débuter deux jours de randonnée sur la plus haute montagne de l'Afrique du Nord, mais elle a tout de même pris la décision d'y aller, de mettre des compresses sur son oeil et d'attendre après la randonnée pour voir si elle devait aller voir un médecin.

Ce matin-là, un chauffeur est venu nous chercher à notre riad à Marrakesh et nous a conduit jusqu'au petit village de Imlil, à environ une heure de la ville. À Imlil, nous avons été accueillies par Jamal, le propriétaire de la compagnie avec laquelle nous voyagions, qui nous a expliqué les étapes de la randonnée et nous a présenté à notre guide, Mohamed, et à notre chef, Abdou. Après un traditionnel thé à la menthe, nous avons endossé nos sacs à dos et avons commencé notre ascension du Toubkal.

La première journée, nous devions marcher 11 kilomètres vers le camp de base, appelé "Les Mouflons", à 3207m d'altitude, où nous passerions la nuit. Au début, c'était bien facile, nous marchions tranquillement à travers les pommiers avec une magnifique vue sur la montagne et les petits villages. C'était magnifique! Après environ une heure, nous avons pris une pause pour prendre une gorgée d'eau et profiter de la vue. Après environ trois heures, nous nous sommes arrêtés pour le diner à une petite cabane où nous nous sommes assis sur le balcon pour manger au soleil. Il y avait une Tajine bien sûr, mais aussi tout un assortiment de fromages, du pain traditionnel, des légumes et des fruits. Tout était délicieux et nous avons dû nous empêcher de trop manger tellement c'était abondant.

Après le dîner, nous avions toujours un bon bout de chemin à faire avant d'arriver au camp de base et je dois avouer que je commençais à être fatiguée. Nous zig zaguions sur un sentier de gravelle et je crois que l'altitude commençait à se faire ressentir parce que chaque pas était tellement difficile. À partir du moment où on a commencé à entrevoir le camp, qui est un immense bâtiment de pierres, j'ai eu l'impression que ça prenait toute une heure pour s'y rendre. Quand nous sommes finalement arrivés on a pu s'asseoir et se reposer devant une bonne tasse de thé à la menthe avant le souper. J'étais tellement fatiguée que j'ai à peine pu manger un peu de pain et de fruits ce soir-là. Dès que le soleil s'est couché, j'étais prête à aller dormir!

Malheureusement, la nuit n'a pas été de tout repos. Entre le décalage horaire (c'était notre deuxième nuit au Maroc après avoir atterri la veille et la différence entre le Québec et le Maroc est de +5 heures), le froid, le fait de dormir dans le même lit gigantesque qu'une douzaine d'étrangers, les conditions n'étaient pas optimales.

J'avais à peine fermé l'oeil quand Mohamed est venu nous réveiller à deux heures du matin. Nous voulions atteindre le sommet pour le levé de soleil, ce qui voulait dire un départ plus que tôt. Heureusement pour moi, une fois le déjeuner englouti et malgré les zéros heures de sommeil, j'étais pleine d'énergie.

Dès que nous avons mis le pied dehors ce matin-là, nous avons été frappées par la vue. Premièrement, il avait neigé pendant la nuit et tout était recouvert d'une mince couche de poudreuse. Étant du Canada, ce n'est pas ce qui nous a impressionné par contre, mais le ciel qui était complètement dégagé et, juste au-dessus de nos têtes, les étoiles qui scintillaient. Et je sais ce que vous pensez : jeune fille, on peut voir les étoiles de partout dans le monde s'il fait beau, en quoi c'est spécial? Et bien vous n'avez jamais vu des étoiles comme ça! Il y en avait des milliers et on pouvait les voir avec tellement de clarté! Aussi haut sur la montagne, on avait l'impression d'être entourées d'étoiles, comme si elles étaient si proche qu'on pourrait presque les toucher en étirant le bras. Je ne peux même pas le décrire correctement, mais même dans les parcs nationaux que j'ai visité on ne voyait pas les étoiles aussi bien, et je n'ai rien vu de tel depuis. J'aimerais avoir une bonne photo, mais nous n'avons pas pensé d'en prendre sur le moment, et honnêtement, ça n'aurait jamais été représentatif du moment vécu.

Nous avons commencé notre chemin vers le sommet, croisé des ruisseaux et enjambé des rochers. Mon amie avait un peu de difficulté avec l'altitude, mais de mon côté, comparé à la veille, je me sentais en pleine forme. Il y a une chose par contre que nous n'avions pas prévu. On nous avait dit qu'il ferait environ zéro degrés Celsius au sommet du Toubkal et nous avions anticipé qu'il ferait plus froid tant que le soleil n'était pas levé. Nous avions toutes les deux un manteau (bon pas un Canada Goose, mais un manteau qui se porte en hiver pour faire du sport), des pantalons longs, des petits gants magiques et une tuque, et au début c'était parfait, mais après un moment, le vent s'est mis de la partie et il devait faire au moins -15 degrés. Au moins! On gelait! Et je vous répète, je suis de la ville de Québec au Canada, il peut faire jusqu'à -40 en janvier et je suis toujours en vie pour en parler. On est habituées au froid, ça c'était frette! Mais on s'était rendues là, on a poussé nos limites et on a continué. À un certain point, il faut chausser des crampons par dessus nos bottes puisque la glace et la neige rendent le sentier glissant. Il faut faire attention où on met le pied et à chaque pas on recule d'un demi pas sur la glace. Après plusieurs heures de randonnée, on arrive enfin à un plateau d'où on peut voir le soleil se lever de l'autre côté de la montagne. J'aimerais bien dire qu'à ce moment tous nos efforts en ont valu la peine, mais pour être honnête, j'étais complètement gelée, et même si la vue était absolument, merveilleusement, incroyablement magnifique, je n'étais pas en mesure de l'apprécier à sa juste valeur sur le moment. Quand mon amie qui était quelques minutes derrière moi m'a rejoint, je pouvais voir sur son visage qu'elle pensait la même chose que moi. Mais nous n'étions pas tout à fait au sommet encore et il nous restait environ 30 minutes à faire alors on s'est remises en marche.

Je n'ai aucune idée combien de temps nous avons continué à marcher. Tout ce dont je me souviens, c'est le sommet que j'aperçois devant moi, les nuages qui s'en viennent et qui nous gâcherons assurément la vue et je me souviens d'avoir pensé qu'avec le vent qu'il faisait, le risque de chute, notre fatigue, ça commençait à être dangereux. Mon amie et moi nous sommes regardées et on a su toutes les deux à ce moment-là que c'était assez. On retournait en bas. Atteindre le sommet n'avait plus aucune valeur à ce moment-là. Nous avions froid, nous avions vu le levé de soleil, c'était terminé.

Maintenant plus d'un an plus tard, je n'ai toujours aucun regret. Atteindre le sommet ne nous aurait rien donné de plus que ce que nous avions déjà atteint. Je ne serais pas plus fière de moi, nous n'aurions pas eu une meilleure vue ou un plus grand sentiment d'avoir accompli un défi. À ce jour, je considère toujours que le sommet nous l'avons atteint, mais nous avons aussi atteint le camp de base et le village d'Imlil avec tous nos membres et c'est vraiment ce qui compte.

Décider de redescendre est une chose, mais ça ne nous a pas magiquement téléporté en bas de la montagne. Ça ne nous a pas instantanément réchauffé ou donné une bonne dose d'énergie. On devait tout de même redescendre la montagne en entier ce jour-là.

La marche de retour au camp de base est une autre chose qui est floue dans mon esprit. Je me souviens avoir tellement froid que j'ai pratiquement couru pour descendre la montagne. Je me souviens m'être arrêtée pour une pause parce que j'avais des nausées jusqu'à ce que le guide me rejoigne et me dise qu'il fallait continuer de descendre parce que c'était un signe du mal de l'altitude; redescendre était le seul moyen de me sentir mieux. Puis je me souviens d'être entrée dans le camp de base et d'avoir demandé si on pouvait faire une sieste parce que je me sentais comme si j'avais festoyé toute une soirée après avoir couru un marathon. Je crois qu'on a peut-êtrre dormi une heure, mais après je me sentais tellement mieux que j'ai pu grignoter un petit dîner sans avoir peur qu'il remonte.

Après le dîner, nous avons tranquillement marché le chemin de retour vers Imlil et à chaque pas je me sentais de plus en plus moi-même. La nausée a disparu, la fatigue était plus tolérable, je me sentais plus légère et simplement mieux en général. L'altitude c'est toute qu'une chose!

Les deux ou trois derniers kilomètres par contre ont été assez difficiles. J'avais mal aux genoux et nous étions toutes les deux épuisées et on avait juste hâte d'être arrivées et de se reposer. Et on a réussi! Nous avons été accueillies chez Jamal avec un thé à la menthe qui n'aura jamais goûté aussi bon! Nous avons eu droit à un festin pour le souper et à notre propre chambre pour la nuit où j'ai dormi du meilleur sommeil de toute ma vie!

Mon amie a effectivement dû voir un médecin pour son oeil dès le lendemain puisque l'infection continuait d'empirer. Mes deux genoux ont enflé de façon assez problématique dans un pays sans ascenseur et l'un de mes genoux n'a pas pu plier pendant près de cinq jours par la suite. Mais malgré toutes les péripéties, je suis toujours convaincue que ça en valait la peine. Nous avons eu l'occasion d'avoir de belles discussions avec notre guide sur la culture Berbère et sur sa vie dans les Atlas. Nous avons vu des paysages indescriptibles et, au final, on s'est bien amusées!​

Maintenant que j'ai vécu toute cette aventure et que j'ai eu le temps de m'en remettre, est-ce que je ferais l'ascension du Toubkal à nouveau? Je ne crois pas. Une fois c'était assez et il y a tant d'autres choses que je veux essayer. Est-ce que ça en valait la peine? 100%! Tu ne sais jamais comment tu vas réagir à être mis à l'épreuve de la sorte et je suis fière de m'être rendue aussi loin. Est-ce que je voudrais faire la randonnée d'une autre montagne après celle-ci? Bien sûr! J'adorerais faire le sentier des Incas jusqu'au Machu Picchu et j'aimerais bien faire le Kilimanjaro, mais la prochaine fois j'apporterai des vêtements pour toutes les températures, même s'il est sensé faire chaud. La prochaine fois, je vais me préparer un peu plus à l'avance et m'entrainer. La prochaine fois, je saurai un peu mieux à quoi m'attendre!

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